Friday, February 09, 2018

H abilleur de théâtre


« Puisque je parlais des acteurs, de mémoire d’habilleur de théâtre on n’a jamais vu un Hamlet et un premier fossoyeur, qui n’étaient pas à couteaux tirés. Jamais le premier fossoyeur n’a pu supporter le ton sur lequel lui parle Hamlet, ce qui est un petit trait qui vaut la peine d’être noté au passage, et qui nous montre jusqu’où peut aller la puissance des relations mises en valeur dans ce drame. »

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E xemple des propos schizophréniques d’Hamlet


« The body is with the king, but the king is not with the body. The king is a thing. » 
« Le corps est avec le roi, mais le roi n’est pas avec le corps, le roi est une chose. »


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L e Corpse


« Ne vous fatiguez pas, dans quinze jours vous commencerez à le sentir, il est là sous l’escalier, n’en parlons plus. »

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E ntre you and your love


« I could interpret between you and your love, if I could see the puppets dallying. »

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« So as a painted tyrant, Pyrrhus stood 
And like a neutral to his will and matter, 
Did nothing. »

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L e Rôti des funérailles


« Économie, économie ! Le rôti des funérailles n’aura pas le temps de refroidir pour servir au repas des noces. »

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O n croit que c’est écrit d’hier


« Vous n’en avez, en fin de compte, aucune espèce d’idée parce que, par une espèce de chose tout à fait curieuse, je crois pouvoir dire d’après ma propre expérience que c’est injouable en français. Je n’ai jamais vu un bon Hamlet en français, ni quelqu’un qui joue bien Hamlet, ni un texte qu’on puisse entendre.
Pour ceux qui lisent le texte, c’est quelque chose à tomber à la renverse, à mordre le tapis, à se rouler par terre, c’est quelque chose d’inimaginable ! Il n’y a pas un vers d’Hamlet, ni une réplique qui ne soit, en anglais, d’une puissance de percussion, de violence de termes qui en fait quelque chose où, à tout instant, on est absolument stupéfait.
On croit que c’est écrit d’hier, qu’on ne pouvait pas écrire comme cela il y a trois siècles.
En Angleterre, c’est-à-dire là où la pièce est jouée dans sa langue, une représentation d’Hamlet, c’est toujours un événement. J’irai même plus loin... parce qu’après tout on ne peut pas mesurer la tension psychologique du public, si ce n’est au bureau de location ...et je dirai ce que c’est pour les acteurs, ce qui nous enseigne doublement.
D’abord parce qu’il est tout à fait clair que jouer Hamlet pour un acteur anglais c’est le couronnement de sa carrière, et que lorsque ce n’est pas le couronnement de sa carrière, c’est tout de même qu’il veut se retirer avec bonheur, en donnant ainsi sa représentation d’adieu, même si son rôle consiste à jouer le premier fossoyeur. Il y a là quelque chose qui est important et nous aurons à nous apercevoir de ce que cela veut dire, car je ne le dis pas au hasard.
Il y a une chose curieuse, c’est qu’en fin de compte lorsque l’acteur anglais arrive à jouer Hamlet, il le joue bien, ils le jouent tous bien. Une chose encore plus étrange est que l’on parle de l’Hamlet de tel ou tel, d’autant d’Hamlet qu’il y a de grands acteurs. On évoque encore l’Hamlet de Garrick, l’Hamlet de Kenns etc., c’est là aussi quelque chose d’extraordinairement indicatif. »

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L e Poète et l'audience


« Nous arrivons à ce paradoxe apparent que le poète et l’audience sont tous deux profondément remués par des sentiments dus à un conflit de la source duquel ils ne sont pas conscients, ils ne sont pas éveillés, ils ne savent pas de quoi il s’agit. »


(Référence à un arrangement mythique censé avoir le même sens pour tous les êtres humains.)

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« Le fait qu'il n'y a rien d'autre qu'un monde spirituel nous ôte l'espoir et nous donne la certitude. »

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Rencontré Pacôme Thiellement, ce soir, il m'a dit qu'il avait écrit un livre (encore chez l'éditeur) sur le « sick love », l'amour malade  chez Shakespeare (mais il n'y parle pas d'Hamlet). Quelle belle expression ! Je lui ai dit que j’avais tout de suite envie de faire un spectacle sous ce titre : L’Amour malade. Revu aussi Hélèna, son film, le 14 mars, à la Gaité Lyrique. Vu ensuite Yasmine Hugonnet dont Caroline Breton m'avait parlée en très, très bien l'après-midi à L'Industrie — je le lui ai dit évidemment — et Catherine Traveletti que j’étais juste passé embrasser et qui va se marier le 7 avril (elle m’a présenté son fiancé, un Canadien) et son metteur en scène avec qui j'avais beaucoup parlé le soir où Eric Vautrin était venu, à la deuxième, à Lausanne, de La Recherche, Fabrice Gorgerat — et je n'ai pas vu son spectacle, ah là là, quelle honte ! 

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Tu en es où ? Tu me fais signe si tu veux ME VOIR, sinon je reste à mes chères études, YN
Un grand oiseau blanc. Ça doit être un signe !

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S tage exceptionnel du 4 au 15 juin à Orléans


Je crois qu’on ne peut pas imaginer de différences plus grandes qu’entre Laurent Chétouane et moi. Pourtant nous sommes amis. Il y a un passage. Nous sommes amis parce que je fais l’expérience de ses pièces (qui sont des pièces d’amitié). J’aime le travail de Laurent Chétouane parce qu’il est vrai. Il a découvert ça : que la danse pouvait se danser en vrai — pas en illusion — en vrai. Et c’est ce que j’essaye aussi de proposer, quelque chose, on peut dire, de naturel, de non spectaculaire, de mineur. On est dans un monde d’absolu mensonge donc c’est à la fois facile et difficile de proposer quelque chose de vrai. Souvent on entend un interprète dire dans mes spectacles qu’il n’y a pas de spectacle (c’est une phrase qui revient). Non, au fond, il n’y a pas de spectacle. Il n’y a pas ce dehors qu’on nous propose. Ce dehors de carton-pâte. Mais il y a un dedans, dans ce décor, qui s’appelle le réel. Il y a la divinité intérieure (j’avais appelé un spectacle — je crois que ça venait de Shakespeare — Le Parc intérieur). Il y a un endroit qui est vrai, à l’air libre, oui, et qui est à l’intérieur. Un peu comme le Jésus des gnostiques, Laurent Chétouane réussit à mettre le « inward » « outward » — comment le dire en français ? le « vers l’intérieur » « vers l’extérieur ». On pourrait se passer du « vers l’intérieur », d’ailleurs, mais la maladie de l’homme, ce n’est que ça… Il s’agira d’un stage absolument expérimental. Avec Laurent, c’est très facile, il est tout le temps dans l’« experiment » (selon le mot qu’affectionnait Marguerite Duras, je me souviens) et, moi aussi, j’essaye d’inventer chaque fois une première fois, la naissance, un premier geste. Tout se passe avant la mort. Alors. Etre Dieu (j’ai donné plusieurs stages sous ce titre : Jouer Dieu), c’est avant la mort qu’on en a la possibilité. To be or not to be. Mais la divinité — la liberté — elle est à délivrer, prisonnière. Faible, fragile, vivante. Vous êtes des animaux avec des vêtements posés sur vous en vrac, des singes habillés, des chiens habillés. C’est aussi bête que ça. Les spectacles de Laurent Chétouane, pourtant très beaux, ont peut-être peu à voir avec la beauté — question centrale chez Pina Bausch, par exemple, et sans doute chez William Forsythe — et donc avec la laideur. Je n’ai jamais rencontré cela nulle part ailleurs.

Yves-Noël Genod

« Celui à qui les choses cachées appartiennent est au-delà de tous les contraires »

Gérard Depardieu : « Je ne joue pas, je vis. »
Jeanne Moreau : « Il n’y a pas de mauvais acteurs, il n’y a que des acteurs qui ont peur. »
J’ai noté une des problématiques de Laurent : « Comprendre comment le regard extérieur (existant ou pas existant) t’organise dans l’espace inconsciemment. Et quand tu en deviens conscient, quand tu le sens, tu arrives à le dépasser…»
L’art décrasse. Nous serons deux pour guider et donc un troisième qui se matérialisera entre nous dirigera ce stage. 
Je propose un titre pour ce stage : Cœur contre cœur et âme pour âme 
Ou bien encore : Art minimum 

« Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être l’organisateur. »

Yves-Noël Genod

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T enue du soir pour jouer Hamlet


Simon Espalieu, robe Jean Colonna

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« On ne sort jamais des films d'Akerman, il faut y rester toute une vie (n'en sortir que pour les cigarettes) »

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L a Phrase universelle


« Quand Kafka écrit au hasard la phrase : « Il regardait par la fenêtre », il se trouve, dit-il, dans un genre d'inspiration telle que cette phrase est déjà parfaite. C'est qu'il en est l'auteur – ou, plus exactement, grâce à elle, il est auteur : c'est d'elle qu'il tire son existence, il l'a faite et elle le fait, elle est lui-même et il est tout entier ce qu'elle est. De là sa joie, sa joie sans mélange, sans défaut . Quoi qu'il puisse écrire, « la phrase est déjà parfaite. » Telle est la certitude profonde et étrange dont l'art se fait un but. Ce qui est écrit n'est ni bien ni mal écrit, ni important ni vain, ni mémorable ni digne d'oubli : c'est le mouvement parfait par lequel ce qui au-dedans n'était rien est venu dans la réalité monumentale du dehors comme quelque chose de nécessairement vrai, comme une traduction nécessairement fidèle, puisque celui qu'elle traduit n'existe que par elle et en elle. On peut dire que cette certitude est comme le paradis intérieur de l'écrivain et que l'écriture automatique n'a été qu'un moyen pour rendre réel cet âge d'or, ce que Hegel appelle le pur bonheur de passer de la nuit de la possibilité au jour de la présence, ou encore la certitude que ce qui surgit dans la lumière n'est pas autre chose que ce qui dormait dans la nuit. Mais qu'en résulte-t-il ? À l'écrivain qui tout entier se rassemble et se renferme dans la phrase « Il regardait par la fenêtre », en apparence nulle justification ne peut être demandée sur cette phrase, puisque pour lui rien n'existe qu'elle. Mais, elle, du moins, existe, et si elle existe vraiment au point de faire de celui qui l'a écrite un écrivain, c'est qu'elle n'est pas seulement sa phrase, mais la phrase d'autres hommes, capables de la lire, une phrase universelle. »

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H amlet’s speaking


« Pour parler, nous devons voir la mort, la voir derrière nous. Quand nous parlons, nous nous appuyons à un tombeau, et ce vide du tombeau est ce qui fait la réalité du langage, mais en même temps le vide est réalité et la mort se fait être. Il y a de l'être – c'est-à-dire une vérité logique et exprimable – et il y a un monde, parce que nous pouvons détruire les choses et suspendre l'existence. C'est en cela qu'on peut dire qu'il y a de l'être parce qu'il y a du néant : la mort est la possibilité de l'homme, elle est sa chance, c'est par elle que nous reste l'avenir d'un monde achevé ; la mort est le plus grand espoir des hommes, leur seul espoir d'être hommes. C'est pourquoi l'existence est leur seule véritable angoisse, comme l'a bien montré Emmanuel Lévinas ; l'existence leur fait peur, non à cause de la mort qui pourrait y mettre un terme, mais parce qu'elle exclut la mort, parce qu'en dessous de la mort elle est encore là, présence au fond de l'absence, jour inexorable sur lequel se lèvent et se couchent tous les jours. Et mourir, sans doute, est-ce notre souci. Mais pourquoi ? C'est que nous qui mourons, nous quittons justement et le monde et la mort. Tel est le paradoxe de l'heure dernière. La mort travaille avec nous dans le monde ; pouvoir qui humanise la nature, qui élève l'existence à l'être, elle est en nous, comme notre part la plus humaine ; elle n'est mort que dans le monde, l'homme ne le connaît que parce qu'il est homme, et il n'est homme que parce qu'il est la mort en devenir. Mais mourir, c'est briser le monde ; c'est perdre l'homme, anéantir l'être ; c'est donc aussi perdre la mort, perdre ce qui en elle et pour moi faisait d'elle la mort. Tant que je vis, je suis un homme mortel, je ne suis plus capable de mourir, et la mort qui s'annonce me fait horreur, parce que je la vois telle qu'elle est : non plus mort, mais impossibilité de mourir.
De l'impossibilité de la mort, certaines religions ont fait l'immortalité. C'est-à-dire qu'elles ont essayé « d’humaniser » le fait même qui signifie : « Je cesse d'être un homme. » Mais seul le mouvement contraire rend la mort impossible : par la mort, je perds l'avantage d'être mortel, parce que je perd la possibilité d'être homme ; être homme par-delà la mort ne pourrait avoir que ce sens étrange : être, malgré la mort, toujours capable de mourir, continuer comme de rien n'était avec, comme horizon et le même espoir, la mort qui n'aurait d'autre issue qu'un « continuez comme si de rien n’était", etc. C'est ce que d'autres religions ont appelé la malédiction des renaissances : on meurt, mais on meurt mal parce qu'on a mal vécu, on est condamné à revivre, et on revit jusqu'à ce qu'étant devenu tout à fait homme, on devienne, en mourant, un homme bienheureux : un homme vraiment mort. Kafka, par la Kabbale et les traditions orientales, a hérité ce thème. L'homme entre dans la nuit, mais la nuit conduit au réveil, et le voilà vermine. Ou bien l'homme meurt, mais en réalité il vit ; il va de ville en ville, porté par les fleuves, reconnu des uns, aidé de personne, l'erreur de la mort ancienne ricanant à son chevet ; c'est une condition étrange, il a oublié de mourir. Mais un autre croit vivre, c'est qu'il a oublié sa mort, et un autre, se sachant mort, lutte en vain pour mourir ; la mort, c'est là-bas, le grand château que l'on ne peut atteindre, et la vie, c'était là-bas, le pays natal que l'on a quitté sur un faux appel ; maintenant, il ne reste plus qu'à lutter, à travailler pour mourir complètement, mais lutter c'est vivre encore ; et tout ce qui rapproche du but rend le but inaccessible. »

(Commencer à partir de : « Et mourir, sans doute, est-ce notre souci »)

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